Tous les gens qui écrivent, tous les auteurs, que ce soit de bandes dessinées, de romans, de SFFF ou pas, de nouvelles, de jeunesse, etc... mais aussi les photographes, les graphistes, les illustrateurs, les peintres, les créateurs de bijoux et de vêtements... bref, tous les créatifs se sont vu un jour poser la question suivante: "Où trouvez-vous votre inspiration?". Et c'est tellement régulier, comme question, que c'est même devenu une grosse blague entre auteurs.
Il n'y a pas une réponse à cette question, mais une multitude, qui dépendent de l'oeuvre dont on parle la plupart du temps. Et puis, il est important de rappeler que l'inspiration, c'est pas du tout l'essentiel, dans le processus créatif. Bien sûr, sans l'inspiration, je suppose qu'on produit moins bien, mais avec que de l'inspiration, on a juste une belle jambe.
Voilà qui est un peu plus réaliste.
Du coup, pour moi, le seul moyen de répondre à cette question est de le faire oeuvre par oeuvre. Je peux vous expliquer, pour chacune de mes œuvres, comment l'idée de base a été générée dans mon cerveau et comment elle a germé, et comment des soins constants, de la lumière, une pincée de réflexions et des heures de travail en ont fait une histoire, au final. Parce que si l'inspiration arrivait avec l'histoire au complet, ça se saurait. Non, généralement, il s'agit de graines, de saupoudrages, d'idées, de couleurs, de mots, qui en se mélangeant dans la grande marmite cérébrale, font émerger une nouvelle mélodie. D'où l'idée de cette nouvelle série d'articles: "Mais d'où vient l'inspiration?" - MOVI, en résumé.
Et pour faire un premier article, quoi de plus logique que de se pencher sur le cas du dernier né: L'Architective, sorti il y a dix jours aux éditions Castelmore.
La couverture que voici que voilà,
par Adèle Silly
Etape 1: 39° de fièvre et un entrainement de Ju-jutsu.
Tout commence en novembre 2014, quelque part dans le métro parisien. Nous sommes en fin d'après midi, et je suis malade de chez malade. Malheureusement pour ma pomme, cette année-là, je passe un grade en ju-jutsu, et je ne veux pas rater mes entrainements, parce que c'est sérieux, et que j'ai beaucoup de travail pour être prête quand viendra le moment de l'examen. Me voici donc, pass navigo en poche et katana sur l'épaule, à errer sur les quais de la ligne 9 ou 5 (je suis malade, j'ai dit), en direction de la gare de l'Est pour me rendre dans les contrées lointaines où se trouve mon club: près de Meaux.
Alors que je traîne ma misère et ma fébrilité sur les quais, une affiche accroche mon regard:
Je crois que c'est celle-là.
Affiche relative à une exposition en décembre 2014 à la Cité de l'Architecture
Mais voyez comme la fièvre se joue de moi:
dans mon souvenir, ça parlait d'histoire de l'architecture.
Et là, mon cerveau bouilli ne va pas lire "Architecte", mais "Architective".
Moment de flottement dans ma tête. "Viollet le Duc, les visions d'un Arcitective".
Le temps que je rectifie mon erreur, mes brumes neuronales ont déjà saisi le mot pour me signifier vertement que quand même, ça ne veut rien dire. Mais le néologisme créé sous les assauts de la température ne se laisse pas déloger et flotte aux limites de ma conscience tandis que je poursuis mon chemin.
Etape 2 : Gare de l'Est et vieilles demeures.
Une fois dans le train qui doit me mener à Meaux, mon esprit divague, et je commence à réfléchir à mon néologisme. Je suis de ceux qui aiment à penser que les maisons ont une mémoire, et du coup, c'est tout naturellement que j'en viens à songer que le travail d'un architective serait de se rendre justement dans la mémoire des maisons afin d'en exhumer tous les secrets, les objets perdus, les crimes non résolus, et ce genre de chose. Mon train démarre, et sur le côté, dans les bâtiments qui défilent, je vois ceci:
Vous verrez ce bâtiment sur votre gauche,
dans les trains qui partent de la gare de l'Est
Il s'agit en fait du Siège de la Nouvelle heure (non, je ne sais pas ce que c'est, mais c'est marqué sur Google), mais sur le coup, je me prends à songer à une maison qui aurait été bâtie dans une ancienne église. Et hop, association d'idée avec l'architective précédemment cité, et me voici à la recherche d'objets sacrés égarés au cours du temps. J'imagine les possibilités, ce que ça donnerait de fouiller les souvenirs de bâtiments pareils, et je rêvasse jusqu'à Meaux. On peut dire qu'à ce stade, l'idée commence à germer. Je sais que je tiens un bout de quelque chose.
Etape 3 : Meaux, un lycée, une cathédrale et un aigle.
J'arrive à Meaux avec les yeux en coins et les tempes bourdonnantes. Là, j'hésite franchement à aller essaimer mes microbes sur le tatami. Comme je sors de la gare, de l'autre côté de la route, je vois tout à la fois le Lycée Moissan, et la cathédrale de Meaux. Les deux images se superposent dans mon esprit, et fusionnent avec les deux idées précédentes pour m'offrir un lycéen à la poursuite d'un élément égarés dans une maison construite sur les bases d'une église. Et la cathédrale, alors? Elle m'offre l'aigle.
Ceci est un indice en bonne pierre blanche
garanti sans spoiler
On peut dire qu'à ce moment là, mon cerveau malade aspire surtout à retourner sous la couette délirer tout son saoul autour des os que je lui ai donné à ronger. Vaincue et navrée d'avoir fait un aller-retour à Meaux pour des nèfles (hihi, rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme), je préviens mon professeur de sport et je reprends le train pour aller faire ce que j'aurais du faire depuis le début: DORMIR. Oui, mais avec une nouvelle idée de roman en poche.
Conclusion.
Si j'avais été raisonnable et que je ne m'étais pas mise en route pour aller au sport, je n'aurais jamais eu l'idée de ce roman, il faut bien l'admettre. J'aurais sans doute guéri plus vite, j'aurais évité de rentrer trempée et misérable après deux heures de pérégrinations ferroviaires sans but, j'aurais pu glaner quelques heures de sommeil, mais rien de plus.
Moralité, pour écrire des romans, il ne faut pas être raisonnable.
La fièvre est en option. Je vous laisse méditer ça.
A très vite
Andoryss
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